Le 16 mai 2011

La Prague que vous ne verrez pas

Igor Tchoukarine

Prague est une ville magnifique. Sa richesse architecturale est des plus variées : styles roman, gothique, baroque-époustouflant. La ville possède aussi quelques perles inspirées de l'Art nouveau et même le cubisme. Prague, c'est aussi les mythes qui l'entourent. C'est la Prague «magique», celle des alchimistes et des astronomes de l'empereur Rodolphe II (mort en 1612), de l'atmosphère angoissante des récits de Franz Kafka et des tournées dans les tavernes de Jaroslav Hasek, auteur de la superbe satire Le brave soldat Chveïk et fondateur, en 1911, du «Parti du lent progrès dans les limites de la loi».

Le visiteur curieux et intéressé les trouvera dans les guides touristiques. Je n'ai pas la prétention de brosser un portrait général de cette ville. Je vous invite plutôt, au moyen de ces quelques lignes et de ces quelques photos, à découvrir une ville que j'aime. Mais parler de Prague après y avoir passé plusieurs années (j'y suis allé pour la première fois en décembre 2002) ponctuées d'allers-retours entre le Québec, Paris, Belgrade et Zagreb, voilà un exercice qui est loin d'être évident.

Des recherches à Prague

Un même lieu peut être abordé de diverses manières. De même, le rythme du touriste n'est pas celui du citadin; ceux-ci vivent la ville différemment. Mon emploi du temps a réglé ainsi mes découvertes. La préparation d'un doctorat sur l'histoire du tourisme dans la Yougoslavie socialiste, amorcé en 2004 à l'École des hautes études en sciences sociales (EHESS), à Paris, m'a amené à visiter archives et bibliothèques. Celles-ci, pour le bonheur et le malheur du chercheur, sont parfois cachées dans les recoins de bijoux architecturaux. Je pense ici à la bibliothèque slave, située au dernier étage du Clementinum, immense complexe développé par les Jésuites entre le XVIe et le XVIIIe siècles, ou encore au Centre français de recherche en sciences sociales (CEFRES), auquel j'ai été rattaché en tant que doctorant durant l'année universitaire 2007-2008, qui se trouve sous les toits d'un monastère bénédictin fondé au XIVe siècle. Si ces institutions se trouvent au centre de la ville, on ne peut en dire autant des archives nationales, excentrées et situées dans un quartier résidentiel, mais qui offrent aux chercheurs d'excellentes conditions de travail.

Prague, une ville refuge

Mes pérégrinations en Europe m'ont donné l'occasion de visiter et d'habiter, au cours de séjours plus ou moins longs, plusieurs villes. J'accorde à Prague une place particulière dans ma vie. Elle est devenue, au fil des ans, une seconde maison, une ville refuge où je me sens chez moi, où je peux déposer mes valises et souffler. Le rythme de la ville est agréable et beaucoup plus lent qu'ailleurs (je pense à Paris…). Si Prague est une capitale, une métropole qui se développe et qui offre les avantages de la vie urbaine, c'est aussi une ville qui se visite à pied sans difficulté. Le flâneur et le bon marcheur y découvrent toutes sortes de bonheurs. Le dédale des ruelles où, parfois, même après cinq années, je ne me retrouve pas du premier coup, invite à l'exploration. Et puis, Prague, c'est aussi des tavernes, ces fameuses hospoda où l'on peut déguster les bières blondes qui font la réputation des Tchèques en la matière. Une véritable culture entoure ces tavernes très fréquentées par les Praguois. Mes bonheurs, ce ne sont pas seulement ces tavernes, mais aussi les parcs de Prague, qui la rendent si agréable.

Une ville verte

On trouve pas moins de quatre parcs dans un rayon d'un kilomètre ou deux du centre-ville, où j'habite. Il est aussi possible de se rendre dans plusieurs autres parcs, encore plus grands, le tout en très peu de temps, soit environ 30 minutes en tramway. Le réseau de transport en commun de Prague est, d'ailleurs, d'une rare efficacité. Tramways, autobus et métros fonctionnent, jour et nuit, avec une ponctualité qui rend l'utilisation de la voiture inutile. Ces parcs, à l'exception de la colline de Petín, située à côté du château de Prague, ne sont généralement pas sur la liste des sites visités par les touristes. Ces derniers négligent ainsi un aspect intéressant de la ville, car certains de ces parcs offrent non seulement des points de vue exceptionnels, mais sont aussi liés à différentes légendes et à des événements historiques. La réserve de l'Étoile (Obora Hvezda), d'une superficie de 86 hectares, se trouve, par exemple, à deux pas du site de la bataille de la Montagne blanche (1620), déterminante dans l'histoire de la Bohême.  Évidemment, les endroits à découvrir ne se limitent pas à ces quelques exemples. Ceux-ci esquissent néanmoins le portrait d'une ville où il fait bon vivre et dont la visite vaut le détour. Bonne exploration!

Si Prague est une capitale, une métropole qui se développe et qui offre les avantages de la vie urbaine, c'est aussi une ville qui se visite à pied sans difficulté.